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15.09.20
RÉGULARITÉ DE SURFACE OU PLANÉITÉ DES SOLS INDUSTRIELS ?
» Une réponse approximée à la bonne question vaut beaucoup plus qu’une réponse précise à la mauvaise question «
John Tukey (mathématicien)
Que ce soit en raison d’un manque de connaissances techniques ou d’une intention de maintenir le flou, il existe une grande confusion quant à la terminologie utilisée dans le secteur des sols industriels pour caractériser la régularité de surface d’un dallage.
Nous entendons souvent le terme de planéité utilisé de manière interchangeable avec le terme correct de régularité de surface. La planéité ainsi que l’horizontalité sont des propriétés spécifiques de la régularité de surface. Le premier se réfère à la variation de courte longueur d’onde de la surface, le second donne une information sur la pente du dallage.
Les exploitants et les propriétaires de bâtiments sont tous à la recherche d’un sol “superplan”. C’est un terme très ambigu qui a été utilisé pour signifier beaucoup de choses différentes.
Aujourd’hui, il est généralement accepté dans l’industrie comme représentant la classification la plus élevée requise pour les systèmes en allées étroites (VNA).
Une définition ou spécification plus appropriée serait DM1 selon Concrete Society TR34 4ème Edition (GB) ou bien Fmin100 selon ASTM E1486 (US).
Le risque est qu’une telle spécification pourrait devenir préjudiciable pour la majorité des utilisations qui sont en trafic libre lorsque le trafic croiserait perpendiculairement au sens du trafic dirigé un sol réalisé selon cette classification.
Ensuite, nous arrivons au langage spécifique utilisé autour du sujet de la métrologie, ou plus simplement de la mesure de la surface des dallages.
Une terminologie spécifique et des données techniques éblouissantes, lorsqu’elles sont saupoudrées dans une conversation, peuvent sembler très savants. Ils sont souvent utilisés pour justifier à quel point une entreprise ou une méthode est meilleure par rapport à une autre, en particulier lorsqu’il s’agit d’utiliser des appareils exclusifs de contrôle. Cyniquement, on pourrait considérer que certains milieux de l’industrie souhaitent que leurs boîtes noires restent fermées, ésotériques et exemptes de tout examen ou contrôle.
Depuis de nombreuses années, des équipements sophistiqués disponibles dans le commerce tels que les niveaux électroniques numériques, les stations totales et les scanners laser 3D sont utilisés dans le monde de la topographie. Grâce à ces appareils de mesure, nous pouvons obtenir de façon ultra rapide une quantité d’information gigantesque couvrant l’ensemble des surfaces. C’est ainsi l’opportunité d’examiner de manière plus appropriée les exigences de régularité de surface des sols industriels.
Une vraie compréhension de termes tels que ceux ci-dessous, est toujours nécessaire.
- horizontalité
- planéité
- ondulation
- super plan
- mouvement défini
- mouvement libre
- exactitude
- tolérance
- résolution
- précision
- répétabilité
- incertitude
- référence à la donnée
- limites de confiance
Considérons trois caractéristiques clés de la mesure : l’exactitude, la précision et la résolution.
Presque universellement, on utilise de manière interchangeable exactitude et précision alors qu’il s’agit de deux propriétés complètement différentes.
Prenons l’exemple de deux policiers qui vont porter six tirs sur une cible.
Le premier fait montre de précision avec des impacts très rapprochés mais pas centrés sur la cible.
Le second est beaucoup plus exact, avec un ensemble bien centré sur le coeur de la cible, mais plus de dispersion des tirs. On pourra dire qu’il vise juste.
L’exactitude peut ainsi être définie comme la proximité du coeur de cible ou la proximité de la vérité. La précision, elle, est une mesure de la répétabilité ou aussi de la fidèlité.
L’idéal est bien sûr de combiner ces deux propriétés et d’arriver à être exact et précis.
Si le viseur peut être recalibré légèrement vers le centre, tous les coups toucheraient le cœur de la cible (précision + exactitude).
Sur la seconde cible, un tir a atteint le centre, mais on peut considérer qu’il y a un élément de chance. Cette « chance » s’exprime sous forme de niveau de confiance.
La résolution est la plus petite distance pouvant être mesurée sans ambiguïté.
C’est le nombre d’intervalles entre les principaux marqueurs de mesure.
Afin de mesurer quelque chose avec certitude, la résolution est généralement une décimale plus fine que le résultat requis. En utilisant l’exemple de l’illustration ci dessus, un point situé quelque part entre 2 et 3 ne peut être défini avec certitude qu’à 0,5 près. Par exemple, un point à 2,36 cm ne peut être que défini entre 2 et 2,5 cm.
Ce n’est que lorsque la résolution montre une échelle en mm, qu’il peut être déterminé que le point est entre 2,3 et 2,4 cm. Il ne peut toujours pas être mesuré à 2,36 cm.
On comprendra également que si l’on attribue 10 points à une balle qui touche le rouge, 5 points pour le bleu et 1 pour le blanc, il n’est pas nécessaire d’investir dans une règle précise au dixième de mm pour rectifier le tir.
De plus, ce n’est pas parce qu’une règle indique une échelle en ½ mm qu’elle est nécessairement précise. Pour affirmer cela avec confiance, la règle doit être calibrée par rapport à une version connue de la vérité (certification, étalonnage).
Pourquoi tous ces points et ces nuances sont-ils importants ?
Avec l’adoption croissante des équipements de manutention autonomes (AGV, AMR) dans les centres logistiques et les usines de production, de nouvelles exigences se portent sur les sols industriels, en particulier sur les aspects liés à la régularité de surface et le premier réflexe est de réduire les tolérances autorisées pour les dallages ou bien de superposer les critères.
Mais n’oublions pas que le béton est un matériau hétérogène au comportement fluctuant et que sa mise en œuvre, malgré les progrès en matière de mécanisation, reste avant tout une affaire humaine, dans les conditions d’un chantier. On ne peut raisonnablement pas attendre d’un dallage béton des caractéristiques dimensionnelles que l’on peut obtenir sur un acier rectifié.
Cependant, en utilisant davantage de science et un peu moins d’art, nous pouvons nous assurer que le dallage béton continuera à fournir une solution performante et durable aux nouvelles demandes de la Logistique 4.0.
Les technologies et méthodes utilisées seront développées lors de prochains articles.
Christophe Cortinovis
(d’après l’article en anglais de Andrew Keen)